8/10Icare

/ Critique - écrit par Djak, le 27/10/2005
Notre verdict : 8/10 - How believe I can fly ? (Fiche technique)

Tags : icare labyrinthe dedale minotaure thesee groupe minos

Dans un Japon où de mystérieuses attaques de kamikazes (perpétrés par des hommes nés en éprouvettes) terrorisent la population, naît un enfant qui semble capable de voler.
L'humanité serait-elle à l'aube d'une nouvelle ère ?
Dès sa naissance, le jeune Icare devient l'objet de toutes les convoitises et en particulier de celles de l'armée.
Aux mains de scientifiques, Icare se retrouve enfermé tel un oiseau en cage qui n'aspire qu'à voler pendant toute son enfance. Mais, vingt ans plus tard, l'armée veut récupérer son dû et voir les résultats des expériences effectuées sur l'enfant prodige. Vingt ans, c'est aussi l'âge où Icare va se libérer en prendre son envol.

Icare
Icare
Avec cet ouvrage, Moebius (aka
Jean Giraud) nous propose une énième variation des thèmes qui lui sont chers. Ainsi, Comme pour l'Incal par exemple l'envol prend une place importante dans l'histoire, voir devient le thème principal. L'approche orientale du sujet qui a demandé l'accord de l'éditeur japonais et aussi de Taniguchi (le dessinateur) donne heureusement une version différente de ce que l'on connaît de Moebius. Pour cette bande dessinée, principalement prévu au marché japonais, l'auteur a donc du retravailler toute l'histoire et son découpage avec l'appuie de Taniguchi. Ainsi, Icare est dans sa structure narrative différente des autres séries de l'auteur. Pour se mettre au format manga et surtout à celui de la prépublication, Moebius aidé pour le script par son collaborateur, Jean Annestay, a revu sa copie pour présenter un travail sous forme de chapitres. Moins de textes pour plus d'action et un découpage plus dynamique que celui auquel l'auteur est habitué.

En soit, comme le fait remarqué Moebius lui-même, cela n'est pas un mal et le résultat final est très convaincant. L'histoire développe sur près de 300 pages un Japon alternatif en proie à un gouvernement autoritaire, cruel et fasciste. L'arrivée de Icare, petit garçon volant que l'armée s'approprie peut être vue comme une métaphore, voir même une grosse allégorie de la liberté voulu par le peuple. Icare est en quelque sorte un message d'espoir.
Pourtant, la crise au Japon à l'époque de la parution du manga et son insuccès dans le magazine de prépublication d'Icare vont sonner le glas de la série. Très vite relayée en fin de magazine la série va tourner court et l'aventure qui devait se prolonger sur plusieurs volumes va se conclure sur l'introduction (remaniée pour l'occasion) de la série. Cette fin prématurée dénature malheureusement l'oeuvre et l'empêche de postuler au titre de chef d'oeuvre. Car, il ne fait aucun doute que le foisonnement de thèmes mis en avant dans Icare au début tels que les hommes éprouvettes, le rôle du gouvernement... sont sous-exploités et trop peu développés.
La fin qui offre un dénouement au manga laisse tout de même un goût amer dans la bouche. On a plus l'impression que Icare a été fauché en plein vol.

Le dessin de Taniguchi est une fois de plus magnifique. Pour ce projet, le mangaka a toutefois fait évoluer son style pour proposer un graphisme imprégné de l'univers de Moebius. A ce sujet, Moebius en touche un mot dans l'interview, qu'il a accordé à Numa Sadoul, présent en fin de volume.
Cette fusion des styles des auteurs se ressent surtout dans les décors du manga. Ainsi, ceux-ci sont très décoratifs et riches de détails exotiques. Taniguchi présente en revanche un travail plus ordinaire sur le chara-design des personnages. Entendons par là que les protagonistes sont plus à l'image dessin que l'on connaît de lui dans ses précédentes séries.
Quoi qu'il en soit, Icare brille par la finesse des traits, la luxuriance des détails ou encore par la beauté saisissantes des doubles pages créées par le dessinateur.
Au final, le choix de Moebius pour Jirô Taniguchi fut tout à fait judicieux. Celui-ci a réalisé un travail d'adaptation de l'histoire formidable. La mise en image est exemplaire. Enfin, le mangaka a réussi à transposer le scénario de Moebius, son découpage et son rythme à « la sauce orientale » magnifiquement.

Icare apparaît alors comme le mariage unique de la collaboration de deux monstres sacrés de la bande dessiné. Un quasi chef d'oeuvre qui donne le meilleur de l'Orient et de l'Occident.

Pour conclure, Icare est un ouvrage d'une qualité exceptionnelle. Kana a mis tout son savoir faire et son application dans ce one-shot. Seul bémol, le scénario. Bien que l'intrigue ne se termine pas en queue de poisson et que la fin proposée peut se suffire à elle-même, on ressent trop grandement que l'on a le droit ici qu'à une introduction d'une histoire beaucoup plus riche et longue. Impressions confirmées par Moebius en fin d'ouvrage.
A l'heure actuelle, il n'y a plus qu'à espérer que les deux génies se décident à recollaborer pour offrir un dénouement à cette histoire. Gageons que le succès ou l'insuccès de Icare en France jouera pour beaucoup.
En tout cas, nous ON Y CROIT.